Echange de mails avec la députée Chantal Jourdan les 7 et 14 janvier 2022

Envoyé : vendredi 7 janvier 2022 17:43:53

Bonjour Madame Jourdan,

J'ai vu votre vote en faveur du texte instaurant le pass vaccinal. Pouvez-vous justifier votre position ?

Beaucoup de députés PS ont voté contre, dont Laurence Dumont. Pourquoi avez-vous voté pour ? Quels sont vos arguments ? Qu'attendez-vous avec les mesures prévues par ce texte ?

Je vous remercie par avance.

Cordialement.

-----

Réponse parvenue le 14 janvier 2022 à 0h07

Madame Françoise,

Vous m’avez interpellée sur le projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire, actuellement discuté au Parlement et sur ce qui a motivé mon vote pour.

Ce début d’année est malheureusement marqué par une situation épidémique difficile. Face à cela, je veux redire que la méthode de l’exécutif est problématique à de nombreux égards. Les protocoles changeants et annoncés à la dernière minute ne sont pas respectueux des professionnels devant les appliquer, la communication stigmatisante envers une partie de la population n’est pas digne des responsabilités politiques. Dans une démocratie, il est indispensable d’écouter et de considérer l’ensemble des citoyens et leurs arguments, j’y veille à chaque instant de mon mandat.

L’Assemblée Nationale a dû se prononcer en première lecture sur ce nouveau projet de loi, visant notamment à transformer le passe sanitaire en passe vaccinal. A l’issue de longs et compliqués débats, j’ai décidé de voter pour. Chaque choix politique est une mise en balance de divers intérêts, faits, droits et devoirs, pour parvenir à la décision qui nous semble être la meilleure pour l’intérêt général. En l’espèce, au regard de l’ensemble des données dont nous disposons, il est indéniable que la vaccination des adultes offre une solution bénéfique afin de protéger la population contre des formes graves du covid-19. Les chiffres et les retours des soignants sont unanimes : les personnes vaccinées, si elles peuvent effectivement contracter la maladie, ont une chance extrêmement réduite d’être hospitalisées en soins critiques par rapport aux personnes non vaccinées. L’incitation à la vaccination via le passe vaccinal est donc d’abord une décision de protection individuelle des personnes. Au sein du groupe Socialistes et apparentés de l'Assemblée Nationale, comme vous le soulignez, nous n'avons pas tous voté pour. La différence provient essentiellement de l' appréciation portée sur l' efficacité du passe. Certains pensent qu' il sera efficace à minima et encouragera à la vaccination, d' autres pensent qu' il ne suffira pas à augmenter significativement le nombre de personnes vaccinées. 

Je suis avec attention les diverses études ainsi que les témoignages relatifs aux effets secondaires de la vaccination. A ce sujet, nous devons toutes et tous faire preuve de la plus grande prudence lorsque nous manipulons ces données, afin d’éviter de partager de fausses informations ou des faits non vérifiés. A l’heure actuelle, les études montrent que le rapport bénéfice / risque est très largement en faveur de la vaccination, particulièrement pour les adultes et les personnes présentant des facteurs de comorbidités. Pour les enfants, le bénéfice de la vaccination est également démontré. Néanmoins, ces derniers ont beaucoup de moins de chance de développer une forme grave du covid-19 et la décision de se faire vacciner ne leur revient pas. C’est pourquoi, le groupe socialistes et apparentés a demandé à ce que le passe vaccinal ne s’applique pas aux enfants jusqu’à 18 ans. Le Sénat a voté pour une mise en place du passe vaccinal à partir de 18 ans et je compte sur la Commission Mixte Paritaire pour que cela soit confirmé. 

L’incitation à la vaccination via le passe vaccinal est également une décision de protection collective de la population. Tout d’abord car, si la vaccination n’empêche pas de contracter le covid-19, elle limite tout de même la transmission. Même si les nouveaux variants sont davantage contagieux, à l’échelle d’une population entière la vaccination permet de limiter un minimum la circulation du virus. Elle permet également, et c’est là l’un des arguments les plus importants à mon sens, de soulager les tensions existantes dans les hôpitaux qui pèsent tant sur les soignants et engendrent des déprogrammations de soins pour des patients atteints d’autres pathologies et des retards de diagnostiques.

Évidemment, cette situation n’est pas satisfaisante, elle doit rester temporaire et proportionnée au contexte sanitaire. La nécessité d’une vaccination la plus large possible répond surtout à une situation d’urgence, afin de protéger la population et de soulager les hôpitaux. Néanmoins, la vaccination ne peut être pleinement utile que si elle est mondiale. La France doit absolument œuvrer en faveur d’une levée des brevets et apporter un soutien aux pays plus défavorisés afin de renforcer la protection de l’ensemble de la population et éviter l’apparition de nouveaux variants.

La France doit également continuer à soutenir la recherche de traitements des infections au covid-19 et accélérer l’équipement des intérieurs fréquentés (écoles, universités, lieux de travail, magasins, lieux culturels, etc.) en capteurs de CO2, en ventilateurs et en purificateurs d’air.

Enfin, comme nous le défendons très régulièrement, l'État doit engager une réforme profonde de l’hôpital public, arrêter de fermer des lits et revaloriser dignement le travail des soignants.

J'espère avoir pu répondre à vos questionnements.

Restant à votre écoute, je vous prie de croire en l'expression de ma considération distinguée.

Chantal Jourdan, Députée de la première circonscription de l'Orne